Delpeyrat : entre héritage et transformation numérique

En arrivant à Saint-Pierre-du-Mont, en périphérie de Mont-de-Marsan, impossible de manquer le site industriel de Delpeyrat. L’entreprise, fondée en 1890 et désormais intégrée au groupe coopératif Maïsadour, fait partie de ces noms qui résonnent bien au-delà de la Gascogne. Dans l’imaginaire collectif, Delpeyrat évoque le foie gras, le saumon fumé, le jambon de Bayonne ou encore le caviar. Mais derrière l’image patrimoniale, derrière les rayons des grandes surfaces et les vitrines de l’export, se cache une réalité plus complexe : celle d’une maison centenaire devenue industrie agroalimentaire moderne, employant plus de 1 200 collaborateurs et générant près de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires.

À première vue, la contradiction saute aux yeux : comment une entreprise qui incarne l’art de vivre français peut-elle aussi être une usine, avec ses contraintes de volumes, de normes, de logistique et de performance ? C’est là tout le défi de Delpeyrat : préserver une identité gastronomique forte, tout en intégrant les outils de l’industrie 4.0 pour sécuriser son avenir.

L’équilibre fragile entre tradition et performance

Dans les ateliers de Saint-Pierre-du-Mont, le contraste est saisissant. D’un côté, des gestes hérités, des savoir-faire culinaires qui rappellent que chaque produit Delpeyrat s’inscrit dans une longue histoire. De l’autre, des lignes de conditionnement, des fumoirs, des séchoirs et des systèmes logistiques capables de traiter des volumes colossaux, notamment lors des pics saisonniers de fin d’année.

Cet équilibre, qui a longtemps été une force, devient aujourd’hui un point de tension. La marque jouit d’une notoriété exceptionnelle, mais elle doit faire face à des attentes nouvelles : traçabilité intégrale, transparence sur l’origine, durabilité des procédés. Autant de sujets qui exigent une réorganisation profonde et une modernisation des outils.

Quand l’industrie 4.0 devient un prolongement de l’authenticité

Contrairement à une idée reçue, l’enjeu n’est pas de robotiser une tradition culinaire. Pour Delpeyrat, le numérique n’est pas une menace, mais un prolongement naturel de son ADN : il s’agit de prouver par la donnée ce que la marque revendique par son image.

Un exemple concret : la traçabilité numérique. En dotant chaque lot, voire chaque produit, d’un identifiant (QR code ou RFID), il devient possible de raconter son histoire complète : élevage, transformation, certification, acheminement. Ce passeport digital ne se contente pas de rassurer les distributeurs et les autorités : il nourrit le storytelling premium, il transforme l’acte d’achat en expérience de confiance.

De même, le pilotage par la donnée change la donne. En centralisant les informations de production et en les restituant sous forme de tableaux de bord dynamiques, les responsables peuvent anticiper les pics de demande, optimiser les cycles et réduire les rebuts. La donnée n’efface pas le savoir-faire : elle le soutient, elle l’augmente.

Enfin, l’intelligence prédictive – appliquée à la maintenance et à la consommation énergétique – ouvre de nouvelles perspectives. Les arrêts imprévus d’un fumoir ou d’une conditionneuse ne sont plus une fatalité : les capteurs préviennent, les interventions s’anticipent. Et l’empreinte énergétique, enjeu majeur pour l’image RSE, peut être réduite et pilotée.

Une transformation culturelle autant que technologique

Ce que l’on perçoit en analysant Delpeyrat, c’est que la modernisation ne se joue pas seulement sur les machines. Elle se joue aussi sur la culture interne. Les équipes doivent être convaincues que la donnée est un allié, pas un outil de contrôle. La gouvernance doit fédérer toutes les filières autour d’une même feuille de route digitale. Et la communication externe doit présenter la digitalisation comme une preuve supplémentaire de l’authenticité : “nos produits sont traçables, certifiés, et nous en apportons la preuve”.

En ce sens, l’industrie 4.0 n’est pas une révolution froide : elle est une réconciliation entre tradition et modernité, un langage qui parle autant aux équipes de production qu’aux clients finaux.

Une trajectoire réaliste

Une feuille de route crédible pour Delpeyrat pourrait suivre quatre étapes :

1. Démarrage avec un pilote traçabilité sur le foie gras, produit emblématique.

2. Déploiement de dashboards data-driven pour mieux anticiper la saisonnalité et réduire les pertes.

3. Mise en œuvre progressive de la maintenance prédictive et d’un pilotage énergétique.

4. Valorisation externe : positionner Delpeyrat comme la vitrine de la gastronomie premium “augmentée par le digital”.

Conclusion : un modèle hybride pour l’avenir

Delpeyrat n’est pas seulement une entreprise agroalimentaire : c’est un symbole de la gastronomie française. Son défi est clair : continuer à incarner la tradition tout en adoptant les outils du futur.

L’industrie 4.0, appliquée intelligemment, lui offre cette opportunité. Elle permet de renforcer la transparence, de sécuriser la performance et d’enrichir le discours de marque. Demain, chaque foie gras Delpeyrat pourra être non seulement dégusté, mais aussi tracé, certifié et raconté, dans une alliance parfaite entre patrimoine et innovation.

Chez Perf’Actor, nous voyons dans ce type de trajectoire hybride une illustration de ce que sera l’industrie française de demain : profondément ancrée dans ses racines, mais armée des technologies nécessaires pour affronter un monde globalisé et exigeant.

Alexandre Langlais, CEO PERF’ACTOR

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